Le comportement du chat : pistes de réflexion
Décrypter le comportement du chat est un élément essentiel pour les propriétaires comme pour les vétérinaires ; un comportement mal interprété pouvant rendre la vie de famille particulièrement compliquée voire conduire à des erreurs de diagnostic en consultation. Il est par ailleurs possible de modifier ce comportement pour le bien-être du chat comme de la famille en modifiant l’environnement du chat ou par l’usage de phéromones de synthèse.
Le comportement du chat
Une chose à ne pas négliger : le comportement d’un chat est directement lié à son niveau de stress. Plus l’animal est stressé, plus son comportement sera difficile à maîtriser.
Réduire au maximum le niveau de stress du chat lui permettra de se comporter de manière adaptée. Tous les changements intervenant dans l’environnement du chat peuvent être source de stress, à tel point que cela peut provoquer des maladies du conduit urinaire telles qu’une maladie du bas appareil urinaire félin (MBAUF), comme nous le mentionnions dans notre article précédent sur les calculs d’oxalate et de struvite.
Importance des modifications environnementales
Commençons par expliquer ce que l’on entend par « modification environnementale ». Il s’agit des changements dans l’environnement du chat visant à réduire son niveau de stress afin d’améliorer son comportement et sa qualité de vie (Buffington 2006). On parle également d’interventions MEMO (modifications environnementales multimodales).
L’intervention de modification environnementale qui consiste à améliorer le comportement du chat par la réduction du stress comprend 6 éléments clés.
Les interventions MEMO en 6 points clés
1. Le contact social. Le chat doit avoir la possibilité de choisir et de décider lui-même s’il souhaite jouer avec d’autres animaux, interagir avec des humains ou rester seul.
2. Disposer plusieurs gamelles de nourriture et d’eau fraîche : l’eau et la nourriture doivent être placées à distance de la litière. Il est important de choisir des lieux tranquilles pour que le chat puisse manger sans être interrompu de manière intempestive. La nourriture et l’eau doivent être changées fréquemment.
3. Fournir un espace de repos en hauteur, dans un lieu tranquille et à l’écart des zones d’agitation de la maison. Les meilleurs endroits pour prévoir l’espace de repos sont ceux qui sont à l’abri des courants d’air.
4. Nettoyer régulièrement la litière. La litière doit être changée quotidiennement. Un nettoyage plus en profondeur est nécessaire une fois par semaine.
5. Alterner les jouets, de façon à lui proposer de la nouveauté. Les griffoirs sont également bienvenus.
6. Le chat doit être libre de se déplacer à sa guise, de grimper et d’explorer son environnement. Il est important qu’il dispose de cachettes et d’échappatoires.
Il s’agit là d’idées très simples à mettre en place qui ne nécessitent aucun aménagement majeur dans la maison. Bien que minimes, ces changements devraient grandement apaiser la cohabitation entre le chat et ses propriétaires.
Usage des phéromones de synthèse chez le chat
Les problèmes de comportement du chat en consultation vétérinaire peuvent avoir un effet dissuasif sur les propriétaires – qui renonceront à chercher de l’aide – ou représenter un véritable obstacle à la conduite des examens cliniques. Un stress extrême chez le chat peut, de fait, fausser les résultats de l’examen clinique et des tests biologiques, et conduire à de possibles erreurs de diagnostic. Associer les techniques de contrôle comportemental du chat à des phéromones semble dès lors une approche intéressante pour une prise en charge plus respectueuse et empathique du patient, et devrait également permettre de faciliter l’examen vétérinaire.
Le mécanisme d’action des phéromones félines
Les chats libèrent des phéromones au travers de différentes glandes spécialisées, localisées à différents endroits du corps. Ces phéromones remplissent différentes fonctions et jouent aussi bien sur le comportement sexuel de l’animal et sur son apaisement que sur les notions de territoire et de marquage.
Les chats perçoivent ces phéromones grâce à leur sens de l’odorat, et plus précisément par le biais de l’organe voméronasal. Ce dernier est notamment sollicité lorsqu’ils inhalent de l’air en relevant la lèvre supérieure et en gardant la bouche légèrement ouverte afin de pousser l’air en direction de l’organe voméronasal pour que ce dernier identifie les signaux captés. Ce phénomène est connu sous le nom de réponse de Flehmen.
L’organe voméronasal est innervé par trois nerfs connectés au système limbique, la zone du cerveau qui régule les émotions, l’humeur et la mémoire. La détection de phéromones dans l’environnement va, par conséquent, stimuler le système limbique et l’hypothalamus, qui déclencheront à leur tour une série de changements physiologiques et comportementaux.
Effet apaisant des phéromones de synthèse sur les chats
Des phéromones faciales semblables à la phéromone F3, que les chats laissent sur des objets qui leur sont familiers pour marquer leur territoire et se rassurer, et F4, qu’ils déposent sur d’autres chats et espèces pour les marquer comme « sûrs », ont été synthétisées en laboratoire. Ces phéromones sont utilisées pour la gestion des problèmes comportementaux, car elles contribuent à réduire le niveau de stress et à rassurer l’animal.
L’American Association of Veterinary Clinicians (AAVC) a d’ailleurs émis des recommandations à ce sujet1 et conseille de recourir à un analogue de synthèse de la phéromone faciale féline, car celle-ci aurait « des effets apaisants dans des environnements stressants et permettrait de réduire les comportements anxieux, craintifs et agressifs ».
Une étude menée à l’université de Cornell2 auprès de 77 chats a également permis de conclure que « la phéromone faciale de synthèse aide à calmer les chats dans des environnements inconnus ». Les chercheurs ont comparé les effets de la phéromone faciale de synthèse en application seule, en association avec de l’acépromazine, un médicament sédatif, et contre placebo. Ils ont constaté que les chats exposés à la phéromone faciale de synthèse combinée à l’acépromazine étaient plus tranquilles et adoptaient une posture plus détendue, rendant possible la pose d’un cathéter veineux, bien que les difficultés de la procédure n’aient pas diminué de façon significative.
Les phéromones, un stimulant de l’appétit chez le chat
L’un des principaux problèmes, en particulier chez les chats malades et hospitalisés, est le manque d’appétit, ce qui peut être un frein à leur rétablissement. Il a toutefois été conclu, dans une étude menée à l’université d’État de l’Ohio3, que « l’exposition à la phéromone faciale de synthèse peut être utile pour augmenter la prise d’aliments des chats hospitalisés ».
Les chercheurs ont évalué les effets de la phéromone faciale de synthèse sur le comportement et la consommation d’aliments chez 7 chats en bonne santé et 13 chats malades hospitalisés, en analysant l’apport alimentaire sur 24 heures. Ils ont constaté que, par rapport aux chats exposés au placebo (une solution d’éthanol à 70 %), les chats exposés à la phéromone faciale synthétique présentaient des différences positives de comportement et un intérêt accru pour les aliments. On a effectivement observé que ces chats avaient ingéré une plus grande quantité de nourriture, notamment lorsqu’on leur permettait d’accéder à leur caisse de transport. Par ailleurs, aucune différence de comportement n’a été observée chez les chats sains ou malades.
Dans une méta-analyse publiée dans le Veterinary Nursing Journal4, il est néanmoins recommandé de ne pas compter uniquement sur les phéromones, car elles ne peuvent à elles seules éliminer le problème ; elles doivent donc être utilisées comme un outil thérapeutique parmi d’autres.
En cas d’hospitalisation, pour satisfaire aux besoins de contrôle environnemental des patients, l’idéal est de fournir des espaces adaptés en matière d’éthologie féline qui offre au chat un environnement enrichi aussi bien du point de vue de la nourriture que de la stimulation sensorielle, notamment par le biais d’exercice physique et d’interactions sociales. Un environnement riche, adapté au profil de chaque patient, aidera en effet à réduire l’anxiété et favorisera le sentiment de sécurité du félin.
En savoir plus sur Josep Campmany
1. Rodan, I. et. al. (2011) AAFP and ISFM Feline-Friendly Handling Guidelines. Journal of Feline Medicine and Surgery; 13(5):364-375.
2. Kronen, P. W. et. al. (2006) A synthetic fraction of feline facial pheromones calms but does not reduce struggling in cats before venous catheterization. Vet Anaesth Analg; 33(4): 258-265.
3. Griffith, C. A. et. al. (2000) Effects of a synthetic facial pheromone on behavior of cats. J Am Vet Med Asoc; 217 (8): 1154-1156.
4. Hewson, C. (2014) Evidence-based approaches to reducing in-patient stress — Part 3: How to reduce in-patient stress. Veterinary Nursing Journal; 29(7): 234-236.