Taux de créatinine élevé chez le chien : symptômes, diagnostic et traitement
Un taux de créatinine élevé chez le chien suggère des problèmes rénaux. Découvrez comment évaluer la gravité de cette situation et les mesures à prendre.
Introduction
La créatinine est une petite molécule (113 daltons) qui provient de la dégradation de la créatine et du phosphate de créatine, présents dans le tissu musculaire ou apportés par l'alimentation. La sécrétion tubulaire et le métabolisme extra-rénal étant pratiquement inexistants, la créatinine est éliminée de l'organisme par filtration glomérulaire. Ces caractéristiques en font un marqueur indirect du débit de filtration glomérulaire (DFG), qui est considéré comme le test de référence pour évaluer la fonction rénale. La créatinine a été et reste le marqueur de diagnostic rénal le plus utilisé dans la pratique clinique. La hausse de sa concentration, ainsi que celle d'autres déchets azotés tels que l'urée, est appelée azotémie, tandis que le terme urémie – ou syndrome urémique – désigne l'ensemble des signes cliniques qui apparaissent chez les patients souffrant d'azotémie sévère.
Dans tous les cas, il est important de se rappeler que tous les chiens atteints d'une maladie rénale ne présentent pas une azotémie, et à l'inverse, tous les patients présentant une azotémie n'ont une pas néphropathie intrinsèque. Afin d'interpréter correctement sa valeur, il est nécessaire de prendre en compte certains facteurs qui peuvent influencer le résultat obtenu. (Tableau 1)
Tableau 1. Facteurs pouvant avoir une influence sur la concentration de créatinine.1 |
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Facteur |
Effet |
Origine de l'échantillon |
0,5-0,1 mg/dl plus élevé dans le sérum que dans le plasma chez le même animal. |
Technique d'analyse |
Méthode enzymatique inférieure de 0,2 mg/dl à la réaction de Jaffé, qui à son tour peut surestimer la valeur obtenue jusqu'à 45 % chez les chiens sains (nettement moins chez les patients atteints d'une affection rénale). |
Poids/masse musculaire |
Les taux de créatinine sont plus élevés chez les chiens de grande taille, géants ou très musclés. Même chez des animaux sains, il est possible d'obtenir des valeurs compatibles avec une maladie rénale. Valeurs inférieures à la normale chez les chiens cachectiques. |
Environnement |
0,05-0,17 mg/dl plus élevé chez les chiens ayant accès à l'extérieur par rapport aux chiens en cage. |
Médicaments |
Hausse due à l'utilisation de IECA/ARA2, diminution due à l'utilisation de glucocorticoïdes. |
Situations cliniques qui s'accompagnent d'un taux de créatinine élevé chez le chien
D'un point de vue pratique, les cliniciens peuvent être confrontés à une concentration élevée de créatinine chez les chiens reçus en consultation dans diverses situations, comme :
- La maladie rénale primaire acquise : la créatinine augmente chez les patients atteints d'une maladie rénale, mais sa valeur ne permet pas d'établir s'il s'agit d'une maladie rénale chronique (MRC) ou d'une insuffisance rénale aiguë (IRA). D'autre part, la créatinine et le DFG ont une relation curvilinéaire inversée, de sorte qu'aux premiers stades de la maladie rénale, une diminution significative du DFG ne s'accompagne pas d'une augmentation significative de la concentration de créatinine, tandis qu'aux stades avancés, de petites variations du DFG sont associées à des augmentations significatives de la concentration de créatinine. Historiquement, on considérait qu'un taux élevé de créatinine chez les chiens indiquait que 75 % de la fonction rénale avait déjà été perdue. On sait aujourd'hui que ce n'est pas tout à fait le cas, car les phénomènes de compensation dans les maladies rénales font que, 13 mois après une perte soudaine de 75 % des néphrons fonctionnels, la diminution du DFG est de 35 à 60 %.
- Maladie rénale secondaire : de multiples maladies systémiques, qu'elles soient infectieuses, inflammatoires, endocriniennes ou ischémiques, peuvent provoquer une insuffisance rénale, qui s'accompagne d'une hausse du taux de créatinine. D'autre part, les patients souffrant d'une déshydratation importante peuvent présenter une azotémie pré-rénale qui, si elle n'est pas corrigée, finira par entraîner des lésions rénales.
- Maladies rénales congénitales/héréditaires.
- Obstructions et/ou ruptures des voies urinaires.
Symptômes
Aucun tableau clinique caractéristique ne permet d'identifier les chiens ayant un taux de créatinine élevé. En effet, chez les animaux dont le taux de créatinine augmente à cause d'une maladie systémique, les symptômes seront probablement ceux de cette pathologie, ce qui complique évidemment le diagnostic.
Par ailleurs, les chiens atteints d'azotémie légère peuvent ne présenter aucun symptôme ou, s'ils en présentent, les symptômes peuvent être si subtils qu'ils passent inaperçus. Au fur et à mesure que la gravité augmente, les signes cliniques attendus sont la conséquence à la fois de la perte de la fonction rénale et du développement du syndrome urémique. On retrouve parmi eux :
- Polyurie/Polydipsie
- Oligurie/Anurie
- Hyporexie/anorexie
- Perte de poids
- Hypothermie
- Vomissements et/ou diarrhée
- Faiblesse
- Signes neurologiques
- Lésions hypertensives au niveau oculaire, cardiaque ou neurologique
Évaluation diagnostique chez le chien présentant un taux de créatinine élevé
Il est difficile d'établir une valeur unique à l'ensemble de la population canine à partir de laquelle on peut dire que le taux de créatinine est élevé, mais actuellement, chez les chiens pour lesquels on soupçonne une IRA, on considère que l'azotémie est égale ou supérieure à 1,6 mg/dl, tandis que chez les chiens atteints de MRC, la valeur limite a été fixée à 1,4 mg/dl.
En général, chez les chiens azotémiques ou chez les chiens présentant une suspicion clinique de maladie rénale, il est nécessaire de réaliser un profil biochimique complet et une analyse d'urine ainsi qu'un hémogramme complet dans un premier temps.
En ce qui concerne les paramètres biochimiques, il est particulièrement important de prêter attention à la concentration d'autres marqueurs du DFG, tels que la SDMA ou l'urée, qui, si elles sont élevées, confirmeront le diagnostic. En outre, si une insuffisance rénale est suspectée chez le chien, il est recommandé d'évaluer les éventuelles altérations du métabolisme minéral, en mesurant la calcémie et la phosphatémie. Il est également conseillé d'effectuer un ionogramme, en prêtant une attention particulière aux taux de potassium.
L'analyse d'urine initiale doit comprendre une mesure de la densité urinaire, un test de bandelette urinaire, un examen du sédiment et une quantification de la protéinurie (chez les patients dont le sédiment est inactif).
Si les résultats confirment l'existence d'une maladie rénale, il convient alors d'en classer la gravité selon les grades/stades IRIS pour l'IRA/la MRC, respectivement.
Traitement
Chez les patients symptomatiques pour lesquels une azotémie est détectée, il faut toujours supposer qu'au moins une partie de l'azotémie est susceptible d'être d'origine pré-rénale. Par conséquent, la première étape de la prise en charge de ces animaux doit être la réhydratation et la correction de tout trouble électrolytique éventuel.
Par la suite, chez les patients atteints d'IRA, le traitement vise essentiellement à maintenir un équilibre hémodynamique adéquat, à surveiller la pression artérielle en administrant un antihypertenseur si nécessaire. On cherche également à maîtriser la production d'urine et à atténuer les manifestations digestives de l'urémie, tout en établissant une nutrition adéquate.
Les chiens qui présentent un tableau aigu mais auxquels on a déjà diagnostiqué une MRC reçoivent d'abord le même traitement que pour une IRA et, une fois stabilisés, sont traités conformément aux lignes directrices établies par l'IRIS.3 Pour ce faire, il est essentiel d'opter pour une alimentation spécialement conçue pour la santé rénale, car il s'agit de la seule mesure thérapeutique ayant un efficacité prouvé sur l'augmentation de l'espérance de vie et l'amélioration de la qualité de vie des chiens atteints d'une MRC. D'autres aspects importants de la prise en charge des chiens atteints de MRC sont les suivants :
- Traitement de l'hypertension artérielle systémique : principalement par l'administration de IECA, d'ARA2 ou d'amlodipine
- Contrôle de la protéinurie : administration d'une alimentation adaptée aux troubles rénaux et de IECA ou d'ARA2, principalement
- Maintien de la phosphatémie à des valeurs adaptées au stade IRIS correspondant : alimentation pour troubles rénaux et chélateurs du phosphore
- Maintien de la normokaliémie : alimentation pour troubles rénaux et supplémentation en potassium si nécessaire
- Traitement de l'anémie sévère : dérivés de l'érythropoïétine
- Traitement de l'acidose métabolique : alimentation pour troubles rénaux et supplémentation orale en bicarbonate si nécessaire
- Contrôle des manifestations digestives de l'urémie : utilisation d'antiémétiques et de stimulants de l'appétit si nécessaire. Oméprazole chez les animaux présentant des hémorragies gastriques ou une œsophagite.
Conclusions
- Il n'est pas rare de trouver des taux de créatinine élevés chez les chiens reçus en consultation. Bien que l'on pense instinctivement à une maladie rénale dans ces cas, il convient, avant de poser un diagnostic, de chercher la présence de l'un des facteurs non rénaux qui influencent le taux de créatinine.
- De plus, il est nécessaire d'évaluer les résultats d'autres paramètres susceptibles d'évoluer à la hausse chez les patients souffrant d'une maladie rénale : SDMA, densité urinaire, protéinurie, phosphatémie.
- Si les résultats divergent, il est préférable de reproduire l'examen une fois le patient stable. Chez les patients souffrant d'IRA, et en fonction de la gravité, il est possible que les valeurs se normalisent en quelques heures/jours ou, au contraire, qu'au cours de la même période, l'azotémie s'aggrave de manière significative.
- Inversement, si l'on soupçonne que le chien souffre d'une MRC azotémique, l'élévation de la concentration de créatinine persistera une fois que le patient sera réhydraté, à moins qu'elle ne soit légère et puisse être corrigée par l'hydratation.
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